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2. Huldrych Zwingli (1484 - 1531)
De sa naissance à sa nomination à Zurich
Huldrych Zwingli est né le 1 er janvier 1484 à Wildhaus
(environ 50 km au sud de St-Galle, dans une haute vallée
du canton de Toggenburg). Il a neuf ou dix frères et sœurs
dont au moins deux meurent jeunes. Deux de ses sœurs entrent au
couvent.
Après une formation scolaire, entre autres à Bâle
et Berne, Zwingli fait ses études à Vienne à partir
de 1499 puis, à partir de 1502, à Bâle où il
passe son examen de maîtrise en 1506. Le professeur bâlois
le plus important pour lui est Thomas Wyttenbach. Après ses études
des arts libéraux (« artes liberales »),
Zwingli fait 6 mois d’études de théologie. À partir
de l’été 1506, il est curé à Glaris,
non loin de Wildhaus, son village natal.
Très tôt, Zwingli prend position dans une affaire politique.
Il s’agit du service de mercenaires, très courant à l’époque
dans la Confédération helvétique. Ce service rapporte
beaucoup d’argent aux villes : une ville mettant à disposition
une partie de ses jeunes hommes pour le service de mercenaires reçoit
de l’argent. En 1506, on débat à Glaris de l’armée à laquelle
les mercenaires de la ville doivent être affectés : à celle
de l’empire de Habsbourg, de la France ou du pape. Zwingli prend
position pour l’armée du pape. Pour lui, les soldats sont
l’arme du crucifié contre les ennemis de l’Église
- il s’agit donc d’une espèce de Guerre Sainte. En
1513, Zwingli est aumônier militaire et accompagne environ 500
soldats de Glaris combattant dans l’armée du pape. L’expérience
de la guerre le fait réfléchir. En 1515, l’armée
du pape avec les soldats de Glaris subit une défaite. Dans la
ville de Glaris, l’opinion publique bascule et les habitants sont
de plus en plus en faveur des vainqueurs français. Ceci pose un
problème à Zwingli, resté fidèle au pape
: il quitte Glaris et devient prédicateur à Einsiedeln,
un lieu de pèlerinage ancien avec un grand monastère. Au
cours de ses deux années à Einsiedeln, le caractère
politique de son engagement, très important jusque-là,
s’atténue. Son activité de prédicateur et
ses études personnelles et scientifiques passent au premier plan.
En effet, c’est probablement en 1516 que Zwingli se convertit à la
Réforme. Il dit de lui-même qu’à partir de
cette date, il a « prêché l’Évangile. » Il
lit des ouvrages scolastiques et ceux des Pères de l’Église
et apprend le grec de façon autodidacte pour pouvoir lire le texte
original du Nouveau Testament. Zwingli devient un théologien érudit.
Il découvre également la philosophie du célèbre
Erasme de Rotterdam dont les enseignements l’impressionnent, mais
ne se contente pas simplement de les adopter. En quoi consiste son « Évangile » ?
Pour apprécier la conversion à la Réforme chez Zwingli,
il n’y a pas lieu de s’interroger pour savoir si Zwingli
arrive à une « conclusion de la justification » similaire à celle
de Luther. Zwingli choisit son propre chemin. Sa conversion aux idées
de la Réforme se manifeste surtout dans l’importance primordiale
qu’il accorde à la Bible, allant jusqu‘au « sola
scriptura », « l’Écriture seule. » Il
ne s’agit pas seulement d’une décision rationnelle,
Zwingli souligne plutôt l’autorité des Saintes Écritures
parce que ce sont elles (et non l’Église avec son pouvoir
clérical) qui transmettent l’évangile, la bonne nouvelle
d’un Dieu philanthrope. Dans les années qui suivent, Zwingli
amplifie et approfondit ce processus de la connaissance des idées
de la Réforme.
Les débuts de la Réforme à Zurich
En automne 1518, Zwingli est nommé à la charge de prédicateur
de Zurich. Sa fonction principale est le prêche. Et il commence
avec une particularité : il ne choisit pas ses prêches en
fonction des péricopes mais interprète chronologiquement
les textes de la Bible. Ainsi, il se prononce contre la domination de
l’année liturgique et suit l’ordre chronologique de
la Bible.
Panorama de Zurich
D’après la « Chronique suisse » de J. Stumpf,
Zurich, 1547
Jusqu’en 1522, Zwingli approfondit continuellement sa connaissance
de la Bible. Dans ses prêches, il se prononce contre le service
de mercenaires - et obtient gain de cause : en 1522, ce service
est interdit par le conseil de Zurich.
C’est également en 1522 que commencent les conflits publics.
Le 9 mars a lieu un repas ostensible dans la maison de l’imprimeur
Christophe Froschauer. On qualifie ce repas d’ostensible parce
que les participants mangent des saucisses en plein carême :
deux saucisses fumées sont coupées en petits morceaux et
distribuées entre les personnes présentes. Zwingli est
présent mais ne participe pas au repas. Les jours suivants, d’autres
infractions à la loi du carême sont commises. La nouvelle
se répand vite dans la ville de Zurich, le conseil intervient
et ouvre une enquête judiciaire.
Deux semaines seulement après « le repas de saucisses »,
Zwingli prononce un prêche ayant pour thème le carême.
Ce prêche est publié en avril 1522 sous le titre « Du
libre choix des mets. » Zwingli défend ici un concept évangélique
de la liberté : les chrétiens sont libres d’observer
les commandements et règlements établis par les hommes,
il n’est pas absolument obligatoire de respecter ces lois « humaines. » La
loi du carême est justement un règlement humain, ecclésiastique.
Et comme cette loi ne se base pas sur une autorité divine, c’est-à-dire
sur l’autorité de la Bible, il n’y a pas d’obligation
d’observer la loi du carême. En même temps, les chrétiens
sont libres de ne pas user excessivement de cette liberté, car
ils ne vivent pas de cette liberté.
Le concept de la liberté selon Zwingli
(Extrait du traité « Du libre choix des mets » (1522).
Traduit par A. Leuchtweis et A. Golay, Montpellier, mars 2004,
d’après l’édition allemande Huldrych
Zwingli, Schriften vol. 1, 37-39.62)
Leur foi en Dieu n’est plus assez forte pour qu’ils
n’aient confiance qu’en Lui seul, pour qu’Il
soit leur seul espoir et pour qu’ils respectent uniquement
Ses lois et Sa volonté. Sottement, ils commencent à nouveau à suivre
les lois humaines. Comme si Dieu avait oublié quelque chose
qu’ils doivent maintenant achever et perfectionner, ils essaient
de se persuader que tel jour, tel mois, à telle ou telle
période, on n’a pas le droit de faire ceci ou cela.
(Cependant, je n’ai rien contre ceux qui font volontairement
le carême pour la santé et la discipline de leur corps,
s’ils ne surestiment pas le carême et ne deviennent
pas orgueilleux ; il faut jeûner avec humilité.)
Mais lorsqu’on en fait une loi et qu’on se convainc
qu’un non-respect de cette loi correspond à un péché,
on stigmatise et salit sa conscience et se laisse tenter par une
véritable idolâtrie...
En bref : Si tu veux jeûner, fais-le ! Si tu veux renoncer à manger
de la viande, n’en mange pas ! Mais laisse le choix au chrétien
! ...
Et si ton prochain est offusqué par le fait que tu uses
de ta liberté, il ne faut pas le mettre en difficulté ou
le soumettre à une tentation sans raison particulière.
Ce n’est que lorsqu’il comprendra la raison de ta liberté qu’il
n’en sera plus offusqué (à moins qu’il
ne te veuille du mal.) ...
Il faut plutôt expliquer aimablement ta foi à ton
prochain et lui dire que lui aussi peut manger de tout et qu’il
est libre de son choix.
***
Questions pour un travail plus approfondi
1. Pourquoi Zwingli s’oppose-t-il à la loi du carême
? Et quelle est la correspondance entre la loi du carême
et la foi ?
2. Zwingli considère-t-il le carême indigne d’un
chrétien ?
3. Quelle est la base de la liberté ?
4. Pourquoi les chrétiens ne doivent-ils pas user de leur
liberté dans tous les cas ?
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À Zurich, la situation devient de plus en plus compliquée
et polémique. Le conseil de la ville s’adjuge le pouvoir
de décision contestant ainsi la compétence officielle de
l’évêque de Constance. Après une audition et
une interdiction provisoire du refus du carême, une Dispute est
fixée pour le début 1523. C’est lors de cette Dispute
que le conseil de la ville veut prendre sa décision, en se basant
sur les Saintes Écritures. Ainsi, les idées réformatrices
de Zwingli se sont définitivement imposées à Zurich. À la
question du carême s’ajoutent d’autres conflits. Zwingli
critique la vénération des saints, ce qui provoque une
polémique avec l’ordre mendiant. Mais le conseil invite
même les membres de cet ordre à prêcher uniquement
selon les Saintes Écritures. De plus, Zwingli revendique l’abolition
du célibat et la protection de Luther, mis au ban de l’empire.
C’est également en 1522 que Zwingli se prononce contre le
rôle de Marie comme « médiatrice du salut. »
En août 1522, Zwingli déclare sa non-appartenance à l’église
catholique romaine : selon lui, elle ne se fonde que sur des lois humaines.
Erasme est consterné face à ces paroles intransigeantes.
Zwingli
prend de plus en plus le rôle du prédicateur prédominant à Zurich.
Il vit depuis 1522 avec sa femme Anna Reinhart mais ne l’épouse
qu’en 1524. Ils ont quatre enfants.
Le 29 janvier 1523 a lieu la première Dispute de Zurich. Il s’agit
de savoir s’il existe des arguments contre le prêche de Zwingli.
Le conseil veut prendre sa décision en se basant sur la Bible.
Environ 600 participants viennent à la mairie de Zurich. De Constance
arrive une légation menée par Jean Faber, qui ne doit pas
participer au débat mais uniquement protester et observer. Le
sujet central de la Dispute est le problème de l’autorité et
la question de savoir qui a l’autorité absolue sur terre.
Dès midi, le conseil a entendu suffisamment d’arguments
pour décider que l’on ne peut pas suspecter Zwingli d’hérésie.
Plus encore : désormais, tous les autres prédicateurs devront également
se baser sur les Saintes Écritures pour prêcher. Lors de
la Dispute, Zwingli formule 67 articles ou « conclusions »,
que les deux mots-clés suivants résument bien : « solus
Christus », Jésus-Christ seul, et « sola scriptura »,
l’Écriture seule.
Extrait des deuxième et troisième
des 67 articles ou conclusions :
Brièvement résumé, le message essentiel
de l’Évangile est le suivant : notre Seigneur Jésus-Christ,
véritable fils de Dieu, nous a communiqué la volonté de
son père. Son innocence nous a sauvés de la mort
et réconciliés avec Dieu. ... C’est pourquoi
Jésus-Christ est la seule voie vers la félicité pour
tous ceux qui ont existé, existent et existeront.
(Extrait de : H. Zwingli, Interprétation et justification
des thèses ou articles (1523). Traduit par A. Leuchtweis
et A. Golay, Montpellier, mars 2004, d’après l’édition
allemande Huldrych Zwingli, Schriften vol. 2, 28.31)
***
Questions pour un travail plus approfondi
1. Quelles sont les deux dimensions que Zwingli appelle le « message
essentiel de l’Évangile ? »
2. Que nous dit Jésus-Christ sur Dieu ?
3. Pourquoi Jésus est-il le seul chemin vers la félicité ?
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Approfondissement théologique et controverses
Pour Zwingli, l’année 1523 est marquée par l’approfondissement
théologique de ses pensées. Ces pensées concernent
entre autres la distinction précise entre Dieu et la créature,
le concept du péché, la doctrine de l’Église,
l’importance de la justice et ainsi également la relation
entre l’Église et l’État. S’annonce également
sa nouvelle conception concernant l’Eucharistie : Zwingli
ne voit plus la communion comme une transmission du salut.
Dans l’ensemble, on peut dire que Zwingli choisit un chemin de
la Réforme qui lui est propre. Il n’est ni Luther ni Erasme
mais développe une théologie autonome qui puise dans les
idées des deux.
De la foi et de la rémission des
péchés
Mais moi, j’ai dit que les péchés sont remis
grâce à la foi. Je voulais uniquement dire par là que
seule la foi peut assurer à l’homme une rémission
de ses péchés.
Les péchés sont pardonnés à celui
qui a confiance en Jésus-Christ. Comme nul ne peut savoir
si un autre croit, personne ne peut savoir si les péchés
d’autrui sont remis et pardonnés, sinon celui qui,
grâce à la lumière et à la fermeté de
sa foi, est certain de la rémission de ses péchés,
parce qu’il sait que Dieu lui a pardonné par Jésus-Christ.
Il est alors tellement certain de ce pardon qu’il ne doute
en que la grâce lui ait été accordée
en pardon de ses péchés) car il sait que Dieu ne
peut pas mentir ni tromper.
(Extrait de H. Zwingli, Erklärung des christlichen Glaubens
(1531). Traduit par A. Leuchtweis et A. Golay, Montpellier, mars
2004, d’après l’édition allemande Huldrych
Zwingli, Schriften vol. 4, 294 et suiv.)
***
Questions pour un travail plus
approfondi
1. A quel malentendu de la foi Zwingli s’oppose-t-il ?
2. Comment l’homme peut-il s’assurer de la rémission
de ses péchés ?
3. Peut-on être sûr de sa propre foi ?
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Outre l’approfondissement théologique, la Réforme
gagne aussi du terrain dans la vie quotidienne. Les monastères
se vident de plus en plus et beaucoup de curés se marient. La
liturgie de la messe est sensiblement modifiée et simplifiée.
En septembre 1523, les actions iconoclastes augmentent et provoquent
des querelles. En octobre de la même année a lieu la Seconde
Dispute à Zurich en liaison avec la réforme de la messe
et les images dans les églises. Il en résulte une recommandation
de ne pas recourir à la violence mais de convaincre avec des arguments.
Cependant, la Dispute révèle également que la formation
théologique des curés de la région est insuffisante.
Il apparaît clairement que Zwingli et ses compagnons se retrouvent
pris entre deux camps : d’un côté, les catholiques
romains ou conservateurs et de l’autre, les radicaux.
Au cours des années 1523-1524, les idées de Zwingli gagnent
de plus en plus de terrain à Zurich. L’opposition conservatrice
(et donc catholique) se divise et perd de l’influence. À la
Pentecôte 1524, le conseil décide de retirer les images,
crucifix, statues et fresques murales des églises, mais il hésite à prendre
une décision en ce qui concerne la réforme de la messe.
Les radicaux perçoivent cette hésitation comme une provocation
de sorte qu’une rupture avec eux semble proche.
(Cliquez sur l’image pour plus d’informations)
Cette rupture entre Zwingli et les radicaux devient effective en 1525,
quand les radicaux, sous l’autorité de Konrad Grebel, fondent
une petite paroisse dans le village de Zollikon, dans les environs de
Zurich. L’idéal de Grebel est une paroisse de croyants.
Le baptême des enfants constitue un problème dans cette
conception. Dès 1524, certaines personnes refusent de faire baptiser
leurs enfants, contre la volonté du conseil qui ordonne le baptême
de tous les nouveau-nés. Une Dispute en 1524 ne donne aucun résultat.
La fondation d’une nouvelle paroisse qui n’accepte que les
baptêmes d’adultes (rebaptême) est, par conséquent,
cohérente.
Par moments, Zwingli a lui-même des doutes par rapport au baptême
des enfants. Mais face aux « anabaptistes », pour lesquels
le baptême signifie l’appartenance à une communauté exclusive
qui se détourne du monde, Zwingli développe une théologie
du baptême très particulière.
Dans cette théorie, il s’oppose à la doctrine catholique
romaine laquelle même Luther adopte partiellement. Selon Zwingli,
le baptême n’est pas un moyen d’obtenir la grâce,
le baptême en lui-même n’a aucun effet. Nous pouvons
faire l’expérience de la rémission des péchés
grâce à la promesse divine confirmée dans le prêche.
Le baptême ne pardonne pas les péchés, pas plus que
l’eau bénite, car il n’a pas de signification surnaturelle.
Cette idée est commune à Zwingli et aux anabaptistes. Cependant,
Zwingli maintient le baptême des enfants, bien qu’il ne puisse
pas démontrer le caractère obligatoire du baptême.
Zwingli argumente que selon la Bible, les enfants de chrétiens
appartiennent déjà à Dieu et évoque l’existence
de la circoncision des nourrissons dans l’Ancien Testament. Il établit
un parallèle entre le baptême et la circoncision. De plus,
il pense que la pratique du baptême des adultes mène à l’isolement
d’une communauté qui se considère elle-même
sans péché.
Ce que les anabaptistes subissent de la part des autorités dans
les années qui suivent, en dehors de la discussion théologique,
ne constitue pas un titre de gloire pour la Réforme : ils sont
persécutés, chassés et parfois même assassinés.
Zwingli
continue à écrire, entre autres « Le Berger »,
en 1524, dans lequel il dépeint le prédicateur évangélique
comme un berger fidèle, par contraste avec de mauvais exemples.
Un an plus tard, il écrit « Commentarius de vera et falsa
religione », « Commentaire sur la vraie et la fausse religion »,
qui contient les idées principales de la doctrine évangélique
en 29 chapitres. Ce commentaire est considéré comme l’œuvre
principale de Zwingli. Au printemps 1525, il commence sa « Prophétie »,
une formation exégétique pendant laquelle on interprète
la Bible et qui devient obligatoire pour les prêtres évangéliques.
En 1531, la Bible de Zurich est publiée comme résultat
de ces études. À Pâques 1525, un nouveau règlement
de la liturgie de la messe est introduit à Zurich. Il est caractérisé par
la clarté et la simplicité. Le sermon est au centre de
la messe, les chants liturgiques et l’orgue disparaissent et les
ustensiles de l’Eucharistie sont faits en bois.
La ville de Zurich est relativement isolée dans la Confédération
helvétique. Elle n’est même plus invitée aux
sessions du parlement. Cependant, dans plusieurs autres villes, la Réforme
gagne du terrain. C’est le cas de St-Galle, Schaffhouse, Bâle
et Berne. À Constance, la Réforme s’impose également.
Zurich forme une alliance avec ces villes, « l’Alliance Chrétienne » (en
allemand, « Christliches Burgrecht ».) Cette alliance représente
une menace pour les cantons catholiques environnants, qui, pour leur
part, forment « l’Association Chrétienne »,
avec entre autres la maison des Habsbourg comme alliée. Après
un temps de crise, la guerre éclate : 30 000 soldats de l’alliance évangélique
se retrouvent face à seulement 9 000 soldats des régions
catholiques du centre de la Suisse. Mais comme seule une petite partie
des évangéliques s’engage vraiment dans cette guerre
et que les catholiques, minoritaires, n’ont aucune chance, ils
parviennent rapidement à un accord, la première paix de
Kappel, en 1529. Du point de vue de l’alliance évangélique
et de Zwingli, le résultat n’est pas vraiment satisfaisant
car le service de mercenaires n’est toujours pas interdit dans
les régions du centre de la Suisse. Néanmoins, avec la
première paix de Kappel, la Réforme s’impose dans
d’autres parties de Suisse.
Outre les querelles extérieures, il existe également une
opposition politique et religieuse à Zurich. Au niveau politique,
il s’agit surtout des marchands, des nobles et d’autres groupes
ayant des intérêts dans le service des mercenaires et dans
le libre déroulement des échanges économiques. Au
niveau religieux, il s’agit de nombreux conservateurs catholiques
qui revendiquent la réintroduction de la messe quotidienne.
Dès 1523, Zwingli développe une conception de l’Eucharistie
qui lui est propre. Contrairement à Luther, qui pense que, pour
les croyants, le pain et le vin se transforment en corps et en sang de
Jésus-Christ, Zwingli souligne que le pain et le vin symbolisent
le corps et le sang de Jésus-Christ, qui fut livré sur
la croix une fois pour toutes et qui est présent pour les fidèles
dans le Saint-Esprit. Les éléments pain et vin ne garantissent
pas la rémission des péchés mais rappellent ces événements.
Celui qui célèbre l’Eucharistie confesse que notre
présent a été transformé par la force de
la réconciliation sur la croix.
La conception de l’Eucharistie selon Zwingli
Septièmement je crois, mieux : je sais que tous les sacrements
sont loin de nous accorder la grâce et qu’ils ne peuvent
pas même l’apporter ou l’administrer. ... En
effet, comme c‘est le Saint-Esprit qui accorde ou donne la
grâce, - j’utilise ce terme dans sa signification latine
en utilisant le terme « grâce » pour
le pardon, l’indulgence et le bienfait libre -, ce cadeau
incombe uniquement à l’Esprit. Cependant, le Saint-Esprit
n’a pas besoin de guide ni de médium puisqu’il
est lui-même la force et le médium qui apporte tout :
il n’a nul besoin d’être apporté. Dans
les Saintes-Écritures, nous ne lisons nulle part que les
choses visibles - que sont les sacrements- apportent l’Esprit
avec certitude avec elles. Au contraire, s’il arrivait que
les choses visibles soient un jour liées au Saint-Esprit,
le médium en serait l’Esprit, et non les choses visibles.
(Extrait de H. Zwingli, Justification de la foi, 1523. Traduit
par A. Leuchtweis et A. Golay, Montpellier, mars 2004, selon l’édition
allemande H. Zwingli, « Schriften », vol.
4, 113)
Et comme ce souvenir est une action de grâce et une exultation
au Tout-Puissant pour la bonne oeuvre qu’il a réalisée
pour nous au travers de son fils, ceux qui participent à cette
célébration, cène ou action de grâce
témoignent de leur appartenance à ceux qui croient
avoir été sauvés par la mort et le sang de
notre Seigneur Jésus-Christ.
(Extrait de H. Zwingli, Action ou tradition de l’Eucharistie,
1523. Traduit par A. Leuchtweis et A. Golay, Montpellier, mars
2004, selon une édition allemande de 1927, « Huldreich
Zwinglis sämtliche Werke », vol. 4, 1-24, 15)
***
Questions pour un travail plus
approfondi
1. Selon Zwingli, pourquoi les sacrements n’apportent-ils
pas la grâce par eux-mêmes ?
2. Quelle est la conception du « visible » présentée
ici ?
3. Quelle est la tâche du Saint-Esprit ?
4. Que se passe-t-il pendant l’Eucharistie ? Quels
effets a-t-elle ?
5. Dieu est-il présent dans l’Eucharistie?
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Comme Luther et Zwingli ont des conceptions très différentes,
ils ne peuvent pas se rencontrer : Luther considère Zwingli comme
un renégat de la Réforme, un exalté. Zwingli a l’impression
que Luther s’est arrêté au milieu du chemin. Tous
deux rédigent de nombreux écrits sur l’Eucharistie,
en partie délibérément par opposition à l’autre.
Ainsi, Luther écrit : Contre les prophètes divins, sur
les images et les sacrements [1525] ; Zwingli : Une explication claire
sur la Cène de Jésus-Christ [1526] ; Luther : Que les paroles
de Jésus-Christ, « Ceci est mon corps, etc. » se maintiennent
fermement contre les esprits exaltés [1527] ; Zwingli : Que ces
paroles : « Ceci est mon corps », etc. gardent éternellement
leur ancienne signification [1527])
Convoqués par le prince Philippe de Hesse, Zwingli et Luther se
rencontrent en octobre 1529 pour un colloque sur la religion, à Marburg,
qui échoue finalement : Luther et Zwingli trouvent des accords
sur tous les points excepté pour l’Eucharistie. Mais on
peut également dire que la conception de l’Eucharistie révèle
d’autres différends, qui étaient jusqu’alors
demeurés dans l’ombre. (Illustration : le Colloque de Marburg)
En 1530 est célébrée, à Augsbourg, la Diète
du Saint Empire romain germanique. À cette occasion, l’empereur
veut reconstruire l’unité de l’Église. On procède à la
lecture de la « Confessio Augustana » (Confession d’Augsbourg)
rédigée par Philippe Melanchthon, devenue la confession
déterminante de l’église luthérienne. Zwingli
présente également une confession : « Fidei ratio » (Justification
de la foi.) Contrairement à la Confession d’Augsbourg, qui
vise le consensus et la réconciliation, Zwingli explique de façon
offensive son interprétation de l’évangile et n’hésite
même pas à énumérer les responsabilités,
fautes et limites de l’empereur, par la parole de Dieu.
Zwingli
continue à s’engager dans la politique de Zurich et beaucoup
de ses idées, surtout celles concernant la politique extérieure
après la paix de Kappel, sont prises en compte. Mais Zwingli ne
peut pas réellement influer sur leur réalisation concrète.
Ainsi, il a l’impression que sa position politique à Zurich
perd de plus en plus d’influence. Il se sent abandonné et
menace en 1531 de démissionner, ce qui est évité de
justesse. Mais le conflit entre Zurich et ses alliés et les autres
villes continue. Fin 1530, la Réforme n’a réussi à s’imposer
que dans une petite partie du centre de la Suisse. Zurich décide
d’exercer une pression en imposant, en 1531, contre l’opinion
de Zwingli, un blocus alimentaire qui se solde par un échec flagrant.
Les cinq villes du centre de la Suisse répliquent par une déclaration
de guerre et leurs troupes se déploient à Kappel. Le 11
octobre 1531, environ 3 500 Zurichois sans armes sont mis en déroute
par les soldats du centre de la Suisse, deux fois plus nombreux. En moins
d’une heure, 500 Zurichois dont Zwingli sont tués, mais
seulement 100 soldats de l’autre camp.
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